UN GESTE POUR EXISTER AVANT DE TOUT DECHIRER

Dans mon travail, j'utilise la réalité fictionnelle romancée des films d'Hitchcock, je la transporte dans une autre réalité qui place l'humain dénudé face aux angoisses existentielles.

Je m'empare des personnages d'Hitchcock qui sont jeunes, bourgeois, raffinés, légitimés par leur naissance, pour les déplacer ailleurs, isolés de leur contexte, exclus de leur propre vie, je les enferme dans le voile discret de la mort.

Avec le collage, le découpage je construis des univers conventionnels à l'esthétique de mon enfance puis je les mets à distance, ce qui semble normal devient étrange.

Avec les déchirures, les fractures, les arrachements de matière j'invite l'univers, le mystique, l'inconcevable, je détruis les constructions sociales, détrône les idoles, enferme les personnages dans leur condition humaine universelle.

Je vole des images des films d'Hitchcock pour réécrire mon passé, je m'approprie ce qui semble m'avoir été volé, des univers bourgeois où le sordide n'a pas sa place, des femmes belles et élégantes, l'assurance d'une place dans la société.

Ces désirs d'enfant confèrent à mon travail une naïveté absolue qui interdit toute intellectualisation, je fais de ce monde un rêve de papier, je colorise la réalité puis je me venge, je prends un malin plaisir à arracher, je dévoile l'illusion, la supercherie à vouloir échapper à l'oubli, je déchire mes velléités à avoir voulu « devenir ».

Je crée des brèches, je laisse agir le hasard des lois physiques et chimiques, l'effacement aléatoire de l'image de départ, je me laisse surprendre par le propre destin de l'image, j'apprends d'elle dans un geste chargé d’amertume qui me fait exister avant l'oubli certain et inéluctable.

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